Expectative

N'ayez pas peur de l'inconnu !

  • Les gens semblent attendre la fin du monde avant de réagir, comme s’il n’y avait qu’un cataclysme capable de les sortir de l’imbroglio dans lequel ils sont empêtrés. Dans l’expectative, ils sont inertes, apathiques et passifs le plus souvent. Il semble très pénible pour la plupart d’entre eux, de se dire « Allez ! Cette fois y en a marre, je me casse ! Je bouge ! Je change les choses ! ».   Je ne sais pas si c’est par orgueil ou par dépit, mais une chose est sûre, c’est que perdurer dans une situation qui ne nous sied pas au mieux risque de nous frustrer à la longue. Et je suis gentil. Un nombre considérable de personnes avec qui je discute se voit impuissant face à une prise de décision à tenir. Comme donner son congé, quitter une situation difficile qu’elle soit professionnelle ou personnelle, pour tenter autre chose, ailleurs et avec d’autres. Cela ne semble pas être une option jointe au modèle de base du genre humain. Comme si quelques élus seulement en étaient pourvus. Comme si la plus grande partie des gens étaient spectateurs et quelques rares élus, acteurs. Acteur de sa propre vie est-il donné à tout un chacun ou n’est-ce réservé qu’à des privilégiés, des chanceux ou des nantis ? Qu’est-ce qui fait que certains prennent les rênes de leur existence alors que d’autres s’embourbent en suivant un chemin qu’ils s’imaginent indétrônable ? Un nouveau départ et à nouveau cet inconnu qui fait peur, qui effraie, qui tétanise même, la plupart du temps. Prenez la situation de celui ayant donné sa démission, d’abord il y a le choc, après il y a les réactions. Plutôt dans le bon sens pour la plupart, mais pas que... 


Il y en a qui ne peuvent cacher une pointe de jalousie, voire d’envie face à une telle décision que toujours ils réussirent à repousser et que sans doute, jamais ils ne prendront. Attendre que le train déraille est plus confortable. Au moins cela donne un statut plus léger en apparence à assumer. Celui de victime. Il est clair que braver le destin, lui faisant un pied de nez en envoyant tout balader risque de nous coûter, car les Bisounours n’existent que dans la fiction, pas dans la réalité, c’est bien connu. Ceci dit et pour reprendre la métaphore du rail, il ne faudrait pas perdre de vue qu’à tout moment, nous avons la possibilité de prendre place dans la locomotive, de lâcher un convoi gênant pour en accrocher un autre, plus en harmonie avec nos projets d’avenir, nos attentes et nos valeurs, à moins que nous ne voulions tracer seuls notre route. Des gens qui sont depuis vingt trente ou bien plus encore dans une boîte et qui n’ont jamais tenté quoi que ce soit pour évoluer peuvent être les plus virulents face à une décision comme celle-là. Une décision radicale et irréversible, mais empreinte d’une liberté incroyable. Une sensation qui semblera leur échapper et le sentiment d’injustice qu’ils éprouveront pourraient vite se transformer en raillerie ou en ressentie, si d’aventure, il nous prenait à parader en lâchant quelques noms d’oiseaux à tous ceux, n’ayant jamais rien fait et je dis bien jamais, pour tenter autre chose : des cours d’informatique, une formation même basique, une discipline autre ou tout autre moyen d’évoluer autrement dans la vie afin de se révéler et pourquoi pas, convoler vers d’autres landes professionnelles. D’autres possibles personnels et intimes.   Bien sûr, on nous brandira moult raisons de ne pas lever le petit doigt, une myriade d’excuses à ne pas solliciter la bravoure, laisser de côté le courage au profit d’une anarchie nous donnant la migraine. Bien sûr, il y aura les mots justes, les seuls, les vrais, ceux qui démarqueront, trancheront et accuseront pour les plus virulents cette folle décision nous désignant comme un apostat. Il y aura tout ça, toutes ces décisions semblant si confortables alors qu’elles nous tiennent attachés à un poteau, le collier toujours plus serré pour démontrer à quel point nous sommes chanceux d’en être.   Mais qu’à cela ne tienne, ce qui compte, c’est d’aller de l’avant, de marcher droit devant, des rêves plein la tête et d’envies déroutantes. C’est se faire confiance et être en accord avec soi-même, à moins que ce ne soit tout simplement qu’une manière ici, de prendre soin de soi. Quelle belle phrase pour des petits soldats du travail ou d’une logique sociétale garant d’une morale, des bûcheurs consciencieux ne crachant jamais dans la soupe. Soin de soi. Soin de sa personne en toute honnêteté, et n’ayant pas peur du déluge. Avec sincérité, malgré les risques et les dangers. Les rêves brisés et les amitiés reniées, car lorsqu’on prend de telles décisions, il arrive que l’on se retrouve seul, si l’on n’a pas la chance d’être bien entouré. Bien plus vite que toutes les années passées à construire ces même soi-disant amitiés. Face à une telle décision, certains de vos proches, ceux en qui vous aviez pleinement confiance et desquels vous n’attendez qu’un peu de soutien, seront pris de cours et déstabilisés. Ils ressentiront un malaise plus qu’un soulagement et auront plus envie de vous sermonner que de vous féliciter. C’est humain. Complètement humain. Mais l’amour, la force de l’amitié ne se retrouvent-ils pas dans la spontanéité de l’autre, face aux décisions prises tout au long de notre vie ? Les fidèles seront les bons. Ceux qui se réjouiront pour vous seront les bienveillants, les plus affables à vous savoir heureux. Les seuls. La ségrégation est naturelle, elle suivra son cours, malgré tout le bon sens acquis, les sentiments et les émotions partagées. Malgré les rires et les moments complices. Le tout, étant géré par l’appartenance au même groupe. Tous dans le même bain. Dans la même eau trouble, qu’importe, en groupe, tout semble bien plus acceptable, plus tolérable. En groupe, la souffrance semble diluée et plus supportable parce qu’il y a toujours pire ailleurs. À deux pas de chez soi. Des liens forts et puissants qui unissent les gens, pour autant qu’ils gardent tous la tête sous l’eau. Le fait de la sortir hors de l’eau se voudra déjà une trahison ; inspirer un grand bol d’air et avoir le regard empli d’espoir peut être le ticket assuré d’une mise à l’écart. Il peut s’avérer que nous ne jouions plus sur le même terrain et encore bien moins avec les mêmes règles. Mais vous n’y pourrez rien. C’est ainsi. Les éclats de bonheur que vous soulèverez dans votre sillage ne seront pas perçus comme tels, mais comme une perfidie d’aucun nom excitant la convoitise. Vous savoir malheureux confortait leur propre désastre, mais une fois sorti de cette équation, les renverra à leur propre situation. Certains sont prisonniers toute une vie d’une condition dont ils aimeraient tant se départir. Qu’ils rêveraient de coiffer au poteau juste le temps d’une illusion, en vain. Se débarrasser de leurs oripeaux une fois pour toutes et faire le grand saut… Mais il y a un problème. Alors, qu’ils s’enfoncent dans le marasme d’un quotidien qu’ils espèrent calme et serein, le petit garçon ou la petite fille qui vit encore en eux se rebelle de temps à autre, demandant leur dû et rappelant les rêves dont ils sont garants. Aussi, lorsqu’ils se retrouvent face à des gens ayant fait le grand saut, justement, sans filet ni même de harnais, sinon l’espoir sans faille de trouver enfin leur voie, cela peut les renvoyer au désaveu de leur « moi » le plus profond et le plus authentique. La solution ne viendra pas d’un tsunami, encore moins d’une catastrophe nucléaire. Ni d’une guerre ou même d’un krach boursier, la solution est en nous, et qu’en notre for intérieur. Imaginez donc le pouvoir que vous avez ! Une force incroyable capable de vous animer des plus beaux desseins pour votre avenir et celui de ceux que vous aimez par-dessus tout. Dans son écrin de roseaux, à l'abri du monde, une barque n'attend que nous pour nous emporter dans la vie et nous tenir à flot.